c  comme  corps


Texte de la vidéo

Comment ne pas haïr ce corps qui m'empêche de vivre ?

Ce corps qui me laisse à penser que j'ai 80 ans.

Ce corps qui ne suit plus mes envies,

ne répond plus à mes souhaits,

m'impose ses limites.

 

Ce corps qui se rappelle en permanence à moi,

avec

sa fatigue,

ses douleurs,

ses blocages,

ses tensions,

ses raideurs,

ses brûlures,

ses picotements.


Ce corps qui consomme beaucoup trop vite le peu d'énergie qu'il veut bien fabriquer.

Ce corps qui peut me lâcher à tout moment.

Ce corps qui n'est plus qu'un bloc, sans que j'en ai même conscience.

Ce corps que je maltraite en mangeant tout ce que je sais être mauvais pour lui, tellement je finis par le détester.

Ce corps qui s'est enfermé dans ses blessures de femme.

 

Ce corps qui s'est arrondi,

comme pour mieux se protéger.

Ce corps que je pousse à bout,

car je veux en oublier les faiblesses.

Ce corps qui devient prison,

tellement il est source de souffrances.

Ce corps que je voudrais oublier,

et que je finis par oublier à force de négligences.

 

Et puis un jour,

surviennent

des rencontres,

de belles rencontres,

de très belles rencontres.

 

La douce caresse d'une baguette en bois qu'on passe sur ses doigts et un bien-être qui envahit tout le corps et l'esprit pour quelques instants.

Des balles de tennis qu'on place, en s'allongeant, sous son dos ou sous les fesses qui nous font sentir nos muscles douloureux, puis simplement notre corps exister.

Un bâton de bambou sur lequel on pose le pied, on déplace son pied, on sent son pied.

Peu à peu, je sens mon corps exister autrement qu'à travers les douleurs.

 

Puis vient le temps du mouvement, dans sa petitesse.

Un léger déplacement du bassin qui fait circuler quelque chose entre le haut et le bas du corps. Quoi ? Je ne sais pas


...

En mettant mon corps en mouvement,

je m'interroge sur ma place dans l'espace, ma place avec les autres, ma place dans la vie, mes besoins, mes sensations.


En mettant mon corps en mouvement,

je cherche mes limites, je les mesure, je les fixe, je les respecte,

je mets des limites, les miennes.

 


En mettant mon corps en mouvement,

je cherche la bonne distance par rapport aux autres,

j'observe son évolution au fur et à mesure des séances. 

...


Aujourd'hui, comment ne pas être bienveillante à l'égard de ce corps ?

Ce corps meurtri par tant de blessures.

Ce corps qui, comme un lanceur d'alerte, a dit « stop ».

Ce corps qui s'est figé, comme le témoin de souffrances enfouies au plus profond de moi.

Ce corps qui a plié sous le poids d'émotions dont je n'avais même pas conscience.

Ce corps qui guérit de ses blessures peu à peu en laissant place à l'envie et au plaisir de bouger.

Ce corps qui s'éveille, comme une fleur au printemps.

Ce corps qui malgré les limites qu'il impose, laisse apparaître de nouveaux possibles.

Ce corps qui accepte, accompagne et rend possible un travail thérapeutique vers un avenir meilleur.

Ce corps que je veux remercier.

 

Passer de la haine à la bienveillance, quelle victoire !


Photos :

JBauermail : https://pixabay.com/fr/gouttes-de-couleur-mouvement-3273161/